Si aujourd’hui l’eau courante est une chose devenue normale et indispensable pour chaque habitation, il n’en fut pas toujours de même pour notre village de Stembert. On sait que le Grand-Vivier existait déjà bien avant 1778 et qu’il servit d’abreuvoir pour les bêtes, d’approvisionnement en eaux pour le travail du textile et également d’approvisionnement en eau potable pour les habitants.
Arthur Fassin, dans son livre de 1890 nous indique qu’il existait cinq puits qui alimentaient le village. A cette époque (fin du 19ème siècle), trois existaient toujours : « lu grand pusse » (le grand puits), « lu nou pusse » (le nouveau puits) et « lu fontaine dè marihau » (la fontaine du maréchal, ainsi nommée parce que située à proximité du maréchal ferrant nommé « Rahier »). Dès les premières sécheresses, ces sources se tarissaient, mettant fortement dans l’embarras la population. Il fallait aller s’approvisionner à Mangombroux.
En 1804, le Conseil communal de Stembert demande l’appui du sénateur « Monge » pour obtenir des subsides afin de pouvoir prendre les eaux des différentes sources des hauteurs du village pour les amener au centre par des tuyaux. Monsieur Fassin donne l’extrait suivant : « Cette commune située sur une vaste plaine et dominée par une montagne, est privée d’eau pendant plus de neuf mois de l’année. Les habitants ne peuvent s’en procurer, non seulement pour leur consommation, mais encore pour leur bétail, qu’en faisant une demi-lieue de chemins et notamment au sein du village de Mangombroux, défaut qui dans le cas d’incendie nous réduit à l’impossibilité de porter aucun secours. Cette privation d’aliment de première nécessité nous expose en outre au grand inconvénient de ne pouvoir alimenter les fabriques de draps qui s’y sont établies, fabriques qui feraient le bonheur de cette commune en même temps qu’elles sont l’âme d’un état ».
Malgré cette exposition assez éloquente et un peu exagérée de la situation, il ne fut donné aucune suite à cette requête. Ce n’est que cinquante ans plus tard que les administrateurs conçurent d’exécuter le projet. Des travaux furent entrepris dans la commune dans le but d’y chercher une source suffisante. Cela ne donna aucun résultat. En 1853, l’architecte Cornet, de Verviers, élabora un plan par lequel, allant prendre l’eau dans le ru intarissable de Mariomont, on pouvait alimenter deux fontaines. Ce projet reçut l’approbation du Conseil qui vota, le 3 mars 1853, un subside 3.000 francs sur les 6.000 francs que coûtait l’installation. La Députation permanente refusa l’accord du subside qui lui était demandé mais une nouvelle pétition, présentée en 1855 au Ministre de l’Intérieur, lui fit l’agréer.
Lors de la première adjudication, le 25 février 1856, personne ne se présenta. Une autre eut lieu le 12 mars 1856 et les soumissions furent au nombre de deux. La moins élevée montait à 6.800 francs. L’adjudicataire ayant refusé l’offre de 6.200 francs (ce qui représentait un fameux budget à l’époque), le Conseil demande à exécuter ces travaux en régie, c’est-à-dire par les habitants de la commune, sous la surveillance d’un des chefs. La permission fut accordée et l’année suivante, le centre du village avait sa distribution d’eau avec son perron ou fontaine publique.
Dans un but d’économie, le bourgmestre Lelotte fit placer des tuyaux en terre cuite, sans penser à l’inconvénient que, les matières terreuses, charriées par les eaux, adhèrent facilement aux parois et favorisent le développement de plantes (mousses, algues,…) qui obstruèrent bientôt les conduites. Ainsi dut-on les renouveler assez souvent.
Le travail réalisé en 1856 fut complété en 1857 lorsque l’on construisit un réservoir sur le mont (probablement celui encore utilisé jusque dans les années 1960-70 et qui se trouvait au Château des Moines). Des tuyaux en fonte remplacèrent le grès et l’eau fut conduite à différent endroits du village. Il était question, au moment de la publication du livre de Fassin en 1890, d’améliorer encore les travaux pour remédier à d’autres inconvénients que la pratique avait fait découvrir.
Le dernier fontainier de Stembert fut nommé par le conseil communal au début des années 1930. Henri Grosjean (sur la photo à droite), de son nom, natif de Verviers, le 31 mars 1897, fut le remplaçant de Monsieur Grandmaire qui habitait sur le Croupet.
Il dirigea le service des eaux de la commune jusqu’au moment, fin des années 1950, où le conseil communal décida de faire gérer ce service par la Société Nationale des Distributions d’Eaux (S.N.D.E.) qui, par la suite, est devenue la S.W.D.E. (Société Wallonne des Distributions d’eaux). Il est vrai que le nombre de maisons augmentait dans notre village et qu’il était de plus en plus difficile pour un seul homme de fonctionner normalement même si le personnel ouvrier était à sa disposition pour creuser les tranchées lorsqu’une fuite d’eau venait troubler le voisinage.
Notre homme allait régulièrement aux étangs de Mariomont par un chemin à travers le bois de Mariomont qui prit le nom de « sentier du fontainier » pour la bonne raison que c’était toujours par là qu’il passait pour contrôler les étangs qui alimentaient la commune par le biez d’une canalisation qui arrivait à la cabine située Place Belle-Vue (maintenant Place Joseph Briamont) et l’eau était renvoyée par une pompe derrière la maison des Jésuites, mieux connue sous l’appellation de Château des Moines, là où se trouvait le château d’eau.
C’est par un système de flotteur qui faisait le même travail que votre chasse d’eau que la citerne enfouie dans le sol se remplissait. Parfois, il y avait des ratés et le trop-plein inondait la prairie en contrebas appartenant à Monsieur Wéber (père de Robert, le pharmacien de la rue de l’Eglise, en ce temps-là). Ses vaches étaient dans l’eau, le fermier prévenait le fontainier qui se rendait dans le parc pour décaler le flotteur et tout rentrait dans l’ordre.
C’était aussi lui qui faisait les factures, manuellement, chaque année pour la consommation d’eau de chaque ménage et lorsque c’était fait, il voyageait dans les rues stembertoises (y compris Hautes-Crottes, les Surdents et Halleur) pour encaisser lesdites factures.
Ce fonctionnaire était assermenté et de ce fait, il fut désigné, en plus de son travail, comme garde-champêtre intérimaire lors de la démission pour mise à la retraite de Monsieur Jules Mosbeux qui fut, pendant environ quarante ans, le champêtre de Stembert. Cela dura de 1945 à 1946 au moment où le conseil communal désigna Monsieur Emile Lepaon pour assurer l’ordre public dans notre commune. Lui aussi fut le dernier garde-champêtre dans notre village.
Les fuites dans les conduites d’eau furent souvent sa hantise car 24 heures sur 24, cet employé communal était de service et cela 7 jours sur 7. Impossible maintenant. On pouvait aussi bien l’appeler à 21 heures comme à 3 heures du matin y compris durant la seconde guerre mondiale, ce qui lui valut d’obtenir un laissez-passer allemand.
En 1935, avec l’appui du bourgmestre Monsieur Lambert Damseaux, cinq personnes : le fontainier Henri Grosjean, le maréchal ferrant Jacques Landouzy (qui sera nommé commandant des pompiers), Monsieur Georges Mengden des Surdents et deux autres personnes dont les noms nous échappent, furent les fondateurs du corps des Pompiers Volontaires de Stembert (leur drapeau est d’ailleurs exposé à la Caserne des Pompiers de Verviers). Le secrétaire, de 1935 à 1957, fut notre fontainier, qui par sa fonction connaissait les bouches d’incendie placées sur le territoire stembertois.
En 1957, la commune, pour les mêmes raisons que le Service des Eaux, fit appel au Corps des Pompiers de Verviers pour desservir la population sans cesse plus importante sans oublier que le matériel stembertois devenait obsolète et qu’il aurait coûté trop cher pour le remplacer. C’est le cœur triste et le pas lourd que nos pompiers volontaires furent reçus dans les locaux de l’Administration Communale pour y être remerciés du travail qu’ils avaient effectué pendant ces vingt-deux années au service de la population. Ce fut le bourgmestre Monsieur Julien Jardon qui fit le discours de circonstance.
Début des années 60, le fontainier Henri Grosjean, le fossoyeur Jean Schillings (c’était ainsi que l’on appelait la personne qui travaillait au cimetière) et l’agent de police des Surdents, Joseph Koch, furent reçus par les édiles communaux pour recevoir la médaille à laquelle ils avaient droit. A ce moment, le bourgmestre, Monsieur Alphonse Sprumont, était à la tête de la commune. En 1962, ce fut pour notre fontainier l’heure de la retraite, ayant atteint ses 65 ans. Malheureusement, il n’en profita guère, la maladie qui le minait depuis 3 ans eut raison de lui et c’est le 26 décembre 1963 (fin 2013 il y aura 50 ans) qu’il nous quittait, laissant une veuve, une fille, un fils adoptif et leurs conjoints ainsi qu’un petit-fils de dix mois dont il en était tout bleu.
Depuis cette époque, ce sont les services de distributions d’eaux qui se sont succédés jusqu’à la S.W.D.E. (Société wallonne des Eaux) actuelle, issue de la scission, sur base régionale en 1980, de la Société nationale des eaux. Elle fut dénommée Société wallonne de distribution d’eau jusqu’à l’adoption de son appellation actuelle en 2001.